Le gouvernement envisage de tailler dans les effectifs de la fonction publique, en forte hausse depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Une piste qui pourrait s’avérer payante… à condition de s’attaquer au vieillissement des agents, sous peine de voir flamber la facture des arrêts maladie.
Par Charlotte Rousset Journaliste dans la rubrique Emploi de Capital.fr, notamment sur les sujets de droit social, carrière et rémunérations des travailleurs Publié le
C’est un serpent de mer qui refait surface à chaque cure d’austérité. Alors que le gouvernement planche sur l’ébauche du budget 2026, qui devra inclure pas moins de 40 milliards d’euros d’économies, la réduction du nombre de fonctionnaires revient une nouvelle fois sur la table. D’abord par l’intermédiaire d’Eric Lombard, locataire de Bercy, qui déclarait sur France Inter le 8 juin vouloir «engager la baisse du nombre de fonctionnaires», tout en précisant que «les nombres ne sont pas encore fixés». Puis, quelques jours plus tard, c’est son homologue des Comptes publics, Amélie de Montchalin, qui a enfoncé le clou en affirmant que réduire les effectifs de la fonction publique «n’est pas tabou, ni explosif».
Il faut dire que les rangs du service public ont largement gonflé ces dernières années, notamment depuis le premier mandat d’Emmanuel Macron. Ainsi, les effectifs ont bondi de 178 000 agents entre 2017 et 2022. Une hausse notamment portée par la fonction publique d’Etat (+96 000), et plus modestement dans les hôpitaux (+38 000) et les collectivités territoriales (+45 000). C’est d’ailleurs dans ce dernier versant que la Cour des comptes préconisait récemment de tailler dans les effectifs. «Un retour progressif des effectifs des collectivités à leur niveau du début des années 2010, soit une réduction de 100 000 emplois ou de 5,5% des emplois, permettrait de réaliser une économie importante, estimée par la Cour à 4,1 milliards d'euros par an à partir de 2030», indiquaient les Sages de la rue Cambon, dans un rapport publié en octobre dernier.
Moins de fonctionnaires, plus d’arrêts maladie ?
Des économies substantielles, certes. Mais la méthode, elle, ne convainc pas complètement Pierre Souchon, président du cabinet Caracal Stratégies. Lors de la présentation de l’Observatoire 2025 de la performance sociale, co-piloté avec le spécialiste du conseil et du courtage en assurance Diot-Siaci le 11 juin, il alerte : «Réduire, ou en tout cas ne pas remplacer tous les fonctionnaires à la retraite, va accélérer la montée du taux d’absentéisme [et des arrêts maladie].» Car c’est un fait : les fonctionnaires sont en moyenne plus âgés que les salariés du privé. Pour le vérifier, il faut se tourner vers le rapport annuel de la fonction publique, publié en novembre dernier : en 2022, l’âge moyen des agents publics était de 44 ans, soit trois ans de plus que celui des salariés.
Un écart encore plus criant dans la fonction publique territoriale. «Un fonctionnaire des collectivités est en moyenne âgé de 49 ans, soit presque 10 ans de plus que les salariés actifs du privé», souligne Jean-Philippe Robert, directeur du département collectivités locales chez Diot-Siaci. Et la tendance n’est pas près de s’inverser. Au contraire, puisque «depuis trois ans, l’âge moyen des agents territoriaux s’allonge de six mois chaque année», poursuit-il. De quoi les exposer davantage à la pénibilité, et donc aux arrêts maladie. Car comme le souligne l’Observatoire, «la durée moyenne des arrêts en maladie ordinaire est fortement marquée par l’âge des agents employés». Ainsi, les fonctionnaires de la FPT de moins de 40 ans s’arrêtent «seulement» 28 jours par an, contre 49 jours pour ceux de 55 ans et plus.
Ne pas s’attaquer au vieillissement de la fonction publique, c’est prendre le risque de voir exploser les arrêts maladie de plus longue durée, et donc de creuser encore un peu plus le déficit de la Sécu. Un paradoxe, alors même que le gouvernement a récemment décidé de serrer la vis sur les arrêts maladie des fonctionnaires : depuis le 1er mars, leur indemnisation a été rabotée de 10%. Ainsi, pendant les trois premiers mois d’arrêt, ils ne perçoivent plus que 90% de leur rémunération, contre 100% auparavant. Ce coup de ciseau n’arrive pas tout à fait par hasard. Rien qu’en 2023, l’Assurance maladie a déboursé plus de 10,2 milliards d’euros pour indemniser les arrêts de travail. Alors réduire les effectifs de la fonction publique, oui. Mais à quel prix ?