Les conditions de travail pénibles et les bas salaires sont souvent associés et ne bénéficient pratiquement pas de compensations financières, telles sont les principales conclusions que l’on peut tirer d’une étude publiée par la DARES (service recherche et statistique du ministère du Travail). C’est loin d’être un scoop malheureusement et surtout la situation a eu tendance à s’aggraver depuis 30 ans.
Une analyse qui porte sur les évolutions des données sur 30 ans
Les chercheurs de la DARES ont repris les enquêtes Conditions de travail effectuées depuis 1991 jusqu’en 2019. Tout en rencontrant des difficultés d’analyse face à des critères ou des éléments statistiques qui ont pu évoluer dans le temps, ils ont analysé la relation entre conditions de travail et salaire, la compensation financière de conditions de travail pénibles ou au contraire la dévalorisation de telles conditions.
À partir de 45 critères de conditions de travail difficiles, ils ont corrélé niveau de salaire avec cinq catégories de conditions de travail pénibles : contraintes physiques, contraintes horaires, manque d’autonomie, intensité du travail et qualité empêchée (comme par exemple interruption de tâches ou impossibilité de coopérer).
Les auteurs de l’enquête admettent toutefois des limites à leur étude : ils n’ont pas intégré à leur étude les dimensions de risques psychosociaux par manque de données en début de période ; le salaire est déterminé par de nombreux autres facteurs que les conditions de travail, ce qui ne permet pas forcément d’établir des relations de cause à effet mais plutôt de constater des corrélations.
Les principales conclusions de l’étude
L’étude constate une certaine stabilité des compensations salariales aux conditions de travail difficiles voire une diminution en fin de période. Ainsi, elles semblent rarement se situer au-dessus de 5 %. Globalement, le salaire n’augmente pas ou rarement avec l’existence de conditions de travail difficiles et de facteurs de pénibilité.
Sur les 45 critères étudiés, en 2019, 6 critères seulement génèrent un bonus salarial. Il existe toutefois des différences de prise en compte de la pénibilité suivant les catégories et critères de conditions de travail difficiles, le sexe, la catégorie professionnelle, les secteurs d’activité et l’âge.
L’intensité du travail est compensée positivement plus fortement pour les ouvriers-employés et les hommes alors qu’elle est pénalisante pour les cadres et les professions intermédiaires. Ceux-ci sont aussi plus pénalisés quand ils sont confrontés à des contraintes physiques, à l’intensité du travail ou aux contraintes horaires.
Les contraintes physiques et les contraintes horaires sont plus pénalisées dans le secteur tertiaire marchand. À l’inverse, ces dernières sont compensées positivement dans l’industrie. Le manque d’autonomie est pénalisé dans tous les secteurs mais plus particulièrement dans le secteur tertiaire marchand et les postes les moins qualifiés de l’industrie.
Les contraintes physiques sont plus pénalisées chez les salariés les plus âgés même s’ils sont nombreux à abandonner ces postes difficiles en deuxième partie de carrière.
S’il existe peu d’écarts importants entre les hommes et les femmes, il semble toutefois que les hommes soient plus pénalisés pour des conditions de travail difficiles traditionnellement associées aux hommes mais moins pénalisés que les femmes pour les contraintes horaires.
Un support pour les négociations salariales
La crise sanitaire a « modifié les équilibres » avec la mise en avant de certains métiers dont on a pu mesurer le caractère indispensable (les travailleurs de seconde ligne) et pour qui il faudrait apporter des réponses, ce qui n’a toujours pas été le cas aujourd’hui.
Les auteurs de l’étude suggèrent que leurs analyses peuvent servir de point d’appui pour les négociations salariales au niveau national ou de branche. Ils mettent en avant aussi la question de l’attractivité des métiers et les difficultés de recrutement pour qui les compensations salariales pourraient être des éléments de réponse.
https://www.clesdusocial.com/conditions-de-travail-penibles-pas-ou-peu-de-compensation-financiere