L'évènement était à la hauteur des enjeux, quelque 700 personnes étaient rassemblées au siège de la CGT à Montreuil ce mardi 28 mai pour les États généraux de l'industrie et de l'environnement. « Montreuil n'avait pas reçu autant de monde depuis le 41e congrès de la CGT en 1995 », devait se réjouir Sébastien Menesplier, secrétaire confédéral, qui accueillait l'initiative pour une journée de débats, témoignages et propositions (la CGT en a élaboré 22, consultables sur le site web dédié de la confédération).
La journée était d'autant plus exceptionnelle qu'elle était ponctuée de trois tables rondes aux sujets très denses. La première intitulée « Réindustrialiser pour répondre aux besoins et défis environnementaux ? » a permis un échange avec des experts des questions économiques et écologiques tels que Pierre Ferracci (Sécafi), ou Antoine Trouche (Réveil écologique), mais aussi des syndicalistes, Virginie Neumayer, dirigeante confédérale CGT, co-pilote de la commission environnement, et Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la Confédération européenne des syndicats (CES), venu de Belgique. Au menu de la réflexion, un état des lieux, une réflexion sur les dégâts de la poursuite de la politique néolibérale et le défi du dépassement de la contradiction entre les enjeux environnementaux et sociaux. Cette première table ronde a été suivie d'une série de témoignages de syndicats faisant état de leur vécu en entreprise : la situation de la sidérurgie avec Ascometal, ArcelorMittal… ; les menaces dans la verrerie (Duralex) ; les choix industriels aux conséquences catastrophiques chez Alstom avec le bradage de la turbine Arabelle ; etc. Des expériences de luttes et de reprises en main comme la reconversion de la centrale de Cordemais ont aussi été rapportées. « Les témoignages montrent que les entreprises ne veulent pas aller dans l'anticipation. Dans le cadre d'une transition juste au niveau européen, il faut un droit qui permette une information-consultation du monde du travail », affirme Ludovic Voet.
Des outils pour reprendre la main
Au cours d'une seconde table ronde intitulée « Permettre aux salariés de reprendre la main sur la finalité du travail », Judith Krivine, avocate, est intervenue sur les évolutions législatives et les compétences élargies des comités sociaux et économiques (CSE) sur les questions environnementales. Selon l'avocate, de nouveaux combats doivent être menés pour créer de la jurisprudence, notamment sur le lien entre l'environnement, l'emploi et la santé. Fabienne Tatot, secrétaire nationale de l'UGICT-CGT (cadres, ingénieurs, techniciens), devait, quant à elle, insister tout particulièrement sur un outil CGT créé en 2022 : Le « Radar travail et environnement » avec sa méthodologie en quatre points (état des lieux, propositions, stratégie, action https://ugictcgt.fr/tag/radar/). Et d'inviter les CSE à s'en emparer. Nathalie Bazire, secrétaire confédérale de la CGT, est ensuite intervenue sur la nécessité d'appropriation par les syndicats et CSE d'outils pour dessiner des projets, notamment en les agrégeant au niveau des territoires et des filières. « La CGT a édité un livret prospectives et territoires (https://analyses-propositions.cgt.fr/lettre-prospective-et-territoires-avril-2024). Notre responsabilité est de donner des perspectives. Il faut que les travailleurs s'approprient les enjeux sur des projets alternatifs de la CGT. Cette démarche mêle les syndicats et des forces diverses et part des ressources disponibles. Elle s'inscrit dans le temps long. »
Les politiques interpellés
La dernière table ronde était probablement la plus attendue, puisqu'elle réunissait plusieurs têtes d'affiche des listes des candidats aux européennes, à l'exception notable des représentants du Rassemblement national (RN). Étaient ainsi venus Manon Aubry (LFI), François-Xavier Bellamy (LR), Christophe Clergeau (Place Publique-PS), Léon Deffontaines (PCF et Gauches unies), Marie Toussaint (Europe Écologie), ainsi qu'un représentant de la liste Renaissance. Les candidats ont ainsi pu être interpellés tour à tour sur leurs intentions de ne pas s'allier à l'extrême droite ou à rétablir les CHSCT. Si le ton était plutôt consensuel sur la nécessité de réindustrialiser et de prendre en compte les enjeux écologiques, une claire dissonance est apparue avec le candidat Les Républicains qui a regretté l'absence d'invitation des candidats RN. Un positionnement qui a incité Sophie Binet à réaffirmer ce choix assumé : « Reprocher à la CGT de ne pas inviter les représentants de l'extrême droite, c'est grave », devait tacler la secrétaire générale.
Un plan d'actions syndicales
A l'issue de cette journée de témoignages et de réflexion, Sébastien Menesplier devait tirer quelques enseignements en annonçant un plan d'actions syndicales pour l'industrie et l'environnement. Un plan qui se décline notamment par des initiatives similaires à ces états généraux, mais dans les régions avec différents acteurs. Et d'expliquer qu'après la récente publication sur son site d'une carte de France des emplois et sites menacés, la CGT entendait recenser et publier une carte de France des luttes autour de projets industriels CGT. Cinq objectifs sont affichés : préserver et créer des emplois ; organiser les services publics ; répondre aux défis environnementaux ; protéger les travailleurs et les travailleuses ; produire et consommer différemment. « Face aux politiques libérales menées par les élus au pouvoir actuellement, qui favorisent la montée des idées d’extrême droite, la CGT se doit d’endosser pleinement son rôle d’organisation syndicale visant à transformer en profondeur la société capitaliste. Loin d’attendre passivement, elle doit anticiper, agir et lutter. C’est pourquoi la CGT proposera, dans tous les territoires, sa propre planification industrielle et environnementale, véritable feuille de route pour des futurs alternatifs. »